Brunschvicg : orient et occident

« L’Orient, de loin, c’est quelque chose. De près, c’est beaucoup de choses, les unes que l’Occident a connues, et les autres qu’il ne connaît pas, dont l’Orient lui-même est loin d’avoir jamais pris conscience »

le début de « L’humanisme de l’Occident » de Brunschvicg :

http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/ecrits_philosophiques_t1/ecrits_philosophiques_t1.html

est en quelque sorte un prodigieux survol de 2000 ans de philosophie et de religions, qui avait été pour moi analogue à un « coup de tonnerre » (éveilleur, salvateur) lorsque je l’avais lu pour la première fois il y a bien longtemps.

Aujourd’hui, voulant prendre congé du vieux sage pour suivre mon propre route (de folie, sans doute) je ne puis trouver mieux que ce texte admirable pour « fixer l’instant et son vertige ».

Pour le dire en peu de mots : je réévalue et transforme mon rapport aux « rationaux » du 17 ème siècle (Descartes, Spinoza , Leibniz et Malebranche) en faveur du malebranchisme, alors que Brunschvicg lui choisit le spinozisme.

La seule boussole qui m’oriente peut se résumer par ce principe fondamental du malebranchisme et du cartésianisme :

« suivre uniquement les idées claires, lumineuses, évidentes, et laisser de côté les idées confuses »

facile à dire, mais quand on prend conscience que la quasi totalité de nos « idées » est constituée d’idées confuses, à un degré ou un autre…

Brunschvicg, dans cet ouvrage et bien d’autres, lit et commente Descartes, Malebranche et Spinoza, rien de plus indiqué que de commencer par étudier à fond ce qu’il dit, pour vraiment comprendre l’enjeu de ces études, qui est immense, j’en suis certain…

« La civilisation d’Occident affleure, dans l’histoire, avec l’arithmétique de Pythagore, avec la maïeutique de Socrate. Et certes, à travers les siècles de la décadence hellénistique, Pythagore et Socrate retomberont au niveau où les légendes orientales laissent leurs héros : ils deviendront maîtres de divination ou faiseurs de miracles. Cependant il suffit de savoir qu’un schisme s’est produit effectivement à l’intérieur de l’école pythagoricienne, entre acousmatiques et mathématiciens, c’est-à-dire entre traditionalistes de la fides ex auditu et rationalistes de la veritas ex intellectu, pour avoir l’assurance que, bien avant l’ère chrétienne, l’Europe a conçu l’alternative de la théosophie et de la philosophie sous une forme équivalente à celle qui se pose devant la pensée contemporaine »

« Et la même opposition, Orient et Occident pour parler un langage géographique, mais qui est aussi moyen âge et civilisation du point de vue historique, enfant et homme du point de vue pédagogique, a fait le fond de la littérature platonicienne. Quel est le rapport de la mythologie, fixée par le « Moyen âge homérique », à la dialectique issue des progrès de la mathématique ? Le problème s’est resserré sur le terrain de l’astronomie où devaient entrer en conflit, d’une façon décisive, le spiritualisme absolu de Platon et le réalisme d’Aristote. La valeur essentielle de la science, suivant Platon, est dans son pouvoir d’affranchissement à l’égard de l’imagination spatiale. Telle est la doctrine qui est au centre de la République. Selon le VIIe Livre, l’arithmétique et la géométrie ont une tout autre destinée que d’aider les marchands dans leur commerce ou les stratèges dans la manœuvre des armées ; elles élèvent l’âme au-dessus des choses périssables en lui faisant connaître ce qui est toujours ; elles l’obligent à porter en haut son regard, au lieu de l’abaisser, comme on le fait d’habitude, sur les choses d’ici-bas »

d’accord à 100 % !

seulement le spiritualisme absolu qui doit être celui du « christianisme des philosophes » se trouve, à mon avis, au plus haut point chez Malebranche, et l’affranchissement vis à vis de l’imagination spatiale qu’il exige est procuré justement par la théorie de l’étendue intelligible, « idée et archétype des corps » !

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